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La villégiature dans les Calanques

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Cabanons à Callelongue © F. Gérard
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Bastide Luminy © F. Launette
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Cabanons à la calanque de Marseilleveyre © C. Bellanger - Parc national des Calanques
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Cabanons de Sormiou au début du XXe siècle
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Dans le parc d'une bastide marseillaise : Statue aux deux vases rouges, vers 1908, par Raoul Dufy, musée Cantini
Le territoire des Calanques est depuis au moins le XVIIe siècle un haut lieu de villégiature. Les bourgeois se retiraient dans leurs bastides entourées de vastes terres aux abords des collines. Les pêcheurs, les ouvriers et les petits employés se retrouvaient dans leurs cabanons, avec la nature et la mer comme terrain de jeu…

 

Une partie de campagne

Horace Bertin, journaliste marseillais réputé, publie en 1878 Les Heures marseillaises, qui décrit avec style l’activité de la cité phocéenne sur une journée, heure par heure. À la fin du jour, voilà ce qu’il s’y passe :

« L’été, la moitié de la ville part pour la campagne. À sept heures, négociants, courtiers, industriels, caissiers, teneurs de livres, ont habituellement terminé leur besogne et la plupart vont coucher à la bastide ou au cabanon. Ils reviennent le lendemain matin par les tramways ou les omnibus de huit heures, et c’est ce qu’ils appellent passer l’été à la campagne. »

 

Les bastides

Une retraite bourgeoise

Ces propriétés étaient nombreuses et se situaient majoritairement dans le terroir marseillais. Elles ont contribué à façonner le paysage aux abords du massif des Calanques, par l’agriculture, le terrassement des terrains, l’aménagement de parcelles, et par les activités de loisir, la chasse en particulier. Elles sont aussi de véritables témoignages d’art et d’architecture, et attestent d’un épisode particulièrement glorieux de l’histoire marseillaise et provençale.

Ces domaines situés à peu de distance du centre de Marseille offraient souvent une vue dominante sur les terres avoisinantes et la mer, au sein d’un paysage bucolique pourvu en eau. Les riches armateurs et négociants marseillais (en huile, en sucre, en alcool, en faïence…) y séjournaient en alternance avec leur hôtel particulier situé en ville, au rythme d’une ambiance familiale et bourgeoise, et d’un mode de vie raffiné et oisif.

Les bastides aujourd’hui

Si beaucoup de bastides ont disparu, soumises à la pression immobilière et à l’aménagement urbain, il en reste cependant de superbes exemples, comme la campagne Pastré, la bastide Luminy, le château Forbin, le château de La Rouvière, et les nombreuses demeures qui jalonnent les piémonts de Saint-Cyr et la vallée de l’Huveaune. De la maison de maître au château en passant par le corps de ferme cossu, la typologie de ces bastides est variée.

Celles qui subsistent dans le Parc national et dans l’agglomération marseillaise ont souvent été partagées en appartements ou reconverties en établissements publics ou privés (hôpitaux, mairie, centre social ou culturel, musées, auberge de jeunesse, maisons de retraite, établissements scolaires et religieux, sièges sociaux, bureaux, parcs publics…).

Une fortune littéraire

Les auteurs furent nombreux à s’extasier au sujet des bastides : Madame de Sévigné, Mademoiselle de Scudéry, Arthur Schopenhauer, Marc Twain… Stendhal confirme Horace Bertin et écrit : « Les bastides sont la passion dominante des Marseillais. C’est pour cela qu’il n’y a pas de spectacle le samedi. Ce jour-là, dès que la Bourse est finie, chacun s’enfuit à sa bastide ». Alexandre Dumas parle de ses « charmantes maisons qui entourent la ville, riant au soleil et étalant leurs murs blancs, leurs toits roses et leurs contrevents verts, sous les quelques pins qui les couvrent ».

Mais ce sont surtout Jean Giono, dans Noé, et Marcel Pagnol, dans Le Château de ma mère, qui nous entraînent au sein même de ces fascinants domaines…

 

 

Les cabanons

Le bonheur populaire

D’abord cabane de pêcheur, puis logement de fortune et refuge des journées de repos entre copains, le cabanon est devenu au fil du temps un lieu de villégiature, et parfois une maison d’habitation. « 4,5 mètres sur 6, le mur arrière le plus haut, celui de l’avant le plus bas, une seule pente et au milieu une grande pièce, occupée par une soupente de la longueur d’un lit. » C’est ainsi qu’un cabanonier définit son modeste logis construit de bric et de broc au bord ou à proximité de la mer. À l’origine, ni eau, ni électricité, et une vie rustique au grand air.

Ces constructions présentes tout le long des massifs ceinturant Marseille, en piémont des collines ou au creux des Calanques, est typique de l’architecture des ouvriers et des agriculteurs d’avant la création des grands ensembles. Les plus anciens cabanons dateraient de 1880, érigés sans permis ni réel souci des règles d’urbanisme. Seuls les pêcheurs avaient alors le droit de bâtir sur le domaine public maritime un cabanon considéré alors comme un outil de travail. L’abri était destiné à entreposer les barques et permettait de se protéger des tempêtes comme des fortes chaleurs. Il a ensuite évolué peu à peu en un lieu de convivialité, un point de convergence pour des fins de semaine consacrées à la pêche et au « farniente ».

Les cabanons et les cabanoniers aujourd’hui

Avec le temps, les cabanons ont pour la plupart été progressivement réhabilités et agrandis, comme aux Goudes. Mais les conditions de vie peuvent y rester assez rudimentaires, comme à Sormiou ou à Morgiou.

Ces habitations nichées dans l’écrin des Calanques sont devenues un patrimoine historique et culturel de la tradition provençale. Les cabanoniers sont les habitants du Parc national (au nombre de 2 000 environ pour les habitants permanents). Ils y perpétuent depuis des générations un art de vivre unique en harmonie avec la nature. Élément central du patrimoine des Calanques, c’est ce mode de vie qu’entend préserver le Parc national durablement.

En musique et en littérature

Le cabanon eut une grande fortune en musique, et notamment dans les opérettes marseillaises. Il est aussi décrit dans la littérature. Référence la plus connue, celle de Jean-Claude Izzo, qui dans son roman Total Khéops, installe son héros Fabio Montale dans un cabanon des Goudes. Plus tôt, en 1931, André Suarès, dans Marsiho, donne une description très complète des journées au cabanon :

« Le rêve de chacun est d’avoir une de ces cases en nougat, coiffées de tuiles. Là, ils vont en tout temps de samedi au lundi. En été, ils s’y installent, les uns sur les autres. Chacun chez soi, et tous presque en commun. On voisine, on se querelle, qui est une façon de voisiner encore. On se parle au-dessus du mur. La fumée d’une pipe croise l’autre. Les enfants jouent, se battent et braillent ensemble. Quelques hommes vont à la pêche sur les rochers ; ils partent de bon matin, leurs lignes hautes contre l’épaule, le veston ouvert, la chemise de flanelle béante ; et tous ont le même air de soldats hilares, d’heureuse troupe qui descend à la conquête du poisson. Ceux qui ne pêchent pas ne sont pas moins avides que les autres de rascasses, de girelles, de gobis, de crabes, de tout ce qui entre dans la bouillabaisse. Et faute de bouillabaisse, il y a toujours l’aïoli… Puis, quand l’heure la plus chaude se voile d’ombre, la plupart s’en vont à l’office des boules... »

 

« N’est-il pas admirable que tout un peuple ait trouvé la recette du bonheur ? »

André Suarès

En son et en vidéo

Maisons de famille : le cabanon dans la calanque

La chanson du cabanon, chantée par Fernandel

Un petit cabanon, écrit par Vincent Scotto et chanté par Alibert et Quartiers Nord


Source URL: https://www2.calanques-parcnational.fr/node/11087