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Passionné de voile depuis l’enfance, Alain Mercier a jeté l’ancre dans la Calanque de Port-Miou. Il nous invite à découvrir cet endroit à part, chargé d’histoire, qui s’est transformé en véritable petit village.

Portrait par Éric Lenglemetz, recueil du témoignage par Noëlie Pansiot.

L'amour de la voile

J’ai appris la voile en famille. Mon père avait un canoë sur lequel il avait monté une voile, c’était un grand bricoleur. Quand j’ai eu dix ans et mon frère huit, il a décidé de nous initier à ça. On a loué des bateaux et on a appris les bases. Puis il a acheté un Corsaire et on a navigué depuis Bandol jusqu'ici, dans les calanques. Et puis après, on est allés jusqu'à Menton.

C'est là, en famille, que j'ai appris à manœuvrer. Mon père ne quittait pas la barre et donnait les ordres. Ma maman, elle, avait très peur ; elle n’aimait pas quand ça penchait, du coup elle changeait de côté suivant le bord, avec un bidon d’un litre pour faire contrepoids. On n’avait pas de moteur et donc, toutes les manœuvres de la voile, c'était moi. À 12 ans, j’avais cette responsabilité, et ça m’a passionné. Plus tard, avec mon épouse, j’ai fait la même chose avec mon fils : je lui ai appris la voile sur un optimist et puis nous avons acheté un bateau.

Port-Miou : un passé qui laisse des traces

Nous sommes ici à Port-Miou, d'après les étymologistes de cuisine que nous sommes, cela voudrait dire Portus Melior, le meilleur abri. Et en fait, le seul abri. Avant qu’il y ait une digue à Cassis, c’était le seul abri naturel par mauvais temps.

Ainsi, c'est d’abord une calanque. Une calanque qui a eu le malheur d'être assez invisible depuis Cassis pour que Monsieur Solvay, qui avait inventé un procédé pour fabriquer de la soude avec du calcaire, y trouve un gisement de calcaire merveilleux et obtienne la concession pour 99 ans de l'exploitation du calcaire.

Avec le sel de Port-Saint-Louis-du-Rhône et le calcaire d'ici, il fabriquait de la soude. Et la soude, c'est la base de toute industrie chimique. Le procédé était tellement efficace que tous les autres procédés de fabrication de la soude ont fermé en dix ans. En 1880, il démarre, en 1890 il n'y a pratiquement plus que lui qui fabrique de la soude en Europe et dans le monde. C'est extraordinaire.

Ici, à l’époque, il y avait aussi des trémies qui permettaient de charger les bateaux de la fameuse "pierre de Cassis", taillée dans les falaises qui surplombent la Calanque. Certaines trémies permettaient de charger les gravats sur les chalands qui étaient remorqués jusqu'à Port-Saint-Louis-du-Rhône. Et là-haut, sur le plateau, il y avait même un train, c’était incroyable.

À la fin de cette exploitation, dans les années 1980, c'est devenu une friche, vite occupée par des plaisanciers marginaux. Ici, il faut marcher un quart d'heure au soleil pour arriver jusque-là où nous sommes, pas évident quand on a des choses à porter !

Une vie de village

Vous imaginez, j'habite sur le Vieux-Port, à 30 mètres de l'eau. Mais entre passer un après-midi ici et passer un après-midi sur votre bateau au Vieux-Port, au milieu de la ville, il n'y a pas photo quoi. À Port-Miou, on est ailleurs, c'est une marge. On n’est ni à Cassis, ni dans la nature, ni dans la ville, ni à la campagne, ni à la mer. Mais avec très peu d’effort, on peut aller n’importe où. C'est béni des dieux de ce point de vue-là.

C'est aussi un lieu de camaraderie et de petits conflits de Clochemerle. Rendez-vous compte, ça fait quatre ans que j'essaye, comme président de l'Union nautique, de fédérer tous les clubs de la calanque et je n'ai toujours pas réussi. Chacun tient à garder son nom, son histoire, son petit pécule, sa zone dans la calanque. Parce que si vous habitez là ou là, ce n’est pas pareil. En face, c'est des voileux. Ici, c'est des gens qui mangent ensemble, là-bas, un peu plus loin, c'est autre chose. Bon, chacun a sa façon spécifique de pratiquer, de copiner ou de se fâcher et de déménager. C'est comme un village de ce point de vue-là.

Il y a toujours de la vie ici, demain, par exemple, des plongeurs de toute la région viennent pour ramasser ce qui est au fond de la calanque. Au début, on remontait essentiellement des déchets industriels, maintenant, c'est un peu aussi les déchets de notre propre activité. Mais bon, on nettoie. Pour vous donner une idée, le Vieux-Port a été nettoyé trois fois, c'est-à-dire rien. Nous, on nettoie tous les ans depuis quarante ans. Et on nettoie les rives par la même occasion. On essaye de devenir vertueux dans nos pratiques.


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