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Il était une fois dans les Calanques…

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Affiche promotionnelle pour l'édition illustrée du Comte de Monte-Cristo par Paul Gavarni et Tony Johannot
De nombreuses légendes et traditions populaires se transmettent depuis des siècles, de génération en génération, dans le territoire des Calanques. Authentiques ou inventées, parfois savant mélange de réalité et de fiction, ces histoires se sont modifiées et enrichies au fil du temps. Elles continuent aujourd’hui d’occuper les conversations et la mémoire locales, et constituent un patrimoine culturel du Parc national.

Gyptis et Protis à la fontaine de Voire

Le mythe de la fondation de Marseille

Histoire à mi-chemin de la réalité et de la fiction, entre mythe et preuves archéologiques, les circonstances de la fondation de Marseille sont bien connues des Provençaux.

En 600 avant notre ère, les Calanques sont occupées par une tribu celto-ligure : les Ségobriges. À cette même époque, les Grecs de la ville de Phocée, une cité bordant la mer Égée, fuient les attaques perses et se replient dans leurs comptoirs commerciaux méditerranéens, dont celui de la calanque du Lacydon, à l’emplacement de l’actuel Vieux-Port de Marseille. La rencontre des Ségobriges et des Phocéens aurait eu lieu à la fontaine de Voire

Selon la légende, les Phocéens débarquèrent alors qu’une cérémonie ségobrige très importante était sur le point de se dérouler : celle du mariage de Gyptis, la fille du roi ! Deux chefs phocéens, dont Protis, furent conviés au banquet. Or, selon la coutume locale, la fille du roi choisissait son mari lors de ce festin en lui proposant une coupe d’eau fraîche puisée dans la fontaine de Voire. Le soir venu, la jeune Gyptis offrit la coupe à l’étranger Protis. Le roi fit alors don aux époux de la calanque du Lacydon, où Protis fonda la ville qui allait devenir Marseille.

Tout savoir sur le mythe et la fontaine de Voire

 

La tête de Puget

Un sculpteur et une colline

Contrairement à ce que l’on croit souvent, le mont Puget ne porte pas le nom de Pierre Puget, célèbre peintre, sculpteur et architecte du XVIIe siècle né et mort à Marseille. Leur nom à tous deux dérive du provençal puèch, issu du latin podium, mais le toponyme précède la naissance de l’artiste. Une légende veut pourtant que ce soit Pierre qui ait donné son nom au mont…

En 1687, les échevins de Marseille veulent doter la Canebière d’une statue à la gloire de Louis XIV. Pierre Puget, surnommé le « Michel-Ange français », propose ses services. Outre l’édification de la statue, il propose la construction d’une place bordée d’immeubles somptueux. Les édiles locaux refusent le projet au coût exorbitant mais Puget, furieux, n’en démord pas. Et c’est finalement le Roi lui-même qui doit intervenir pour faire abandonner le projet de l’artiste !

La légende raconte qu’une nuit de colère, Puget sculpte alors son propre visage dans la montagne. Vue de Luminy, la ligne de crête ressemble en effet étrangement au profil gigantesque d’un homme couché. Frédéric Mistral en fit même un poème :

« Quand Marseille, mère avare, te repoussa comme un gâcheur, ah ! Grand Puget, quel découragement dut contracter ton front et voiler ton soleil ! Mais quand pour donner l’air à ton ressentiment, tu vins, dans l’azur des cimes, battre à coup de marteau le flanc rocheux d’un pic, et que tu taillas brut, avec furie et tout d’un heurt, cette grande figure muette, que nous nommons depuis la Tête de Puget. »

 

La girafe Zarafa

La savane dans les Calanques

Cette histoire authentique débute en 1826, lorsqu’un girafon est capturé dans la savane du Soudan sur les ordres de Méhémet Ali, vice-roi d’Égypte, afin d’être offert en cadeau à la puissance coloniale qu’est la France. L’animal voyage par bateau et arrive à Marseille le 23 octobre 1826. Il est d’abord placé discrètement en quarantaine au Lazaret du Frioul.

Le 14 novembre 1826, la girafe est emmenée de nuit, pour éviter les attroupements et l’agitation, aux jardins de la Préfecture où un enclos spécifique lui a été aménagé. Elle doit passer l’hiver à Marseille avant d’être amenée à Paris pour le Roi de France. Afin de préserver sa santé, il est décidé de la promener à la campagne Pastré, où elle s’échappe ! La perte de ce cadeau royal est inimaginable : deux régiments de soldats sont envoyés pour la récupérer. Elle est à nouveau capturée après dix heures de recherche dans les Calanques. Alexandre Dumas raconte qu’au terme de cette cavale, « jamais elle ne s'était portée mieux : un jour passé dans les sables du mont Redon avait suffi pour lui rendre la santé ».

L’animal finit par remonter sur Paris à pied accompagné d’un cortège. Il sera installé à la ménagerie du Jardin des Plantes où il vivra jusqu’à son décès en 1845. À sa mort, Zarafa est naturalisée et exposée à Paris, avant d’être offerte en 1931 au musée de la Rochelle où on peut toujours la voir. À Marseille, une statue métallique représentant la girafe se tient désormais sur la Canebière et sert de boîte à livres.

En savoir plus sur Zarafa dans la revue Marseille

 

Le rhinocéros du château d’If

Un animal fabuleux dans les îles

En 1516, un bien surprenant passager débarque sur l’île d’If… Il s’agit d’un rhinocéros ! L’animal, envoyé par le roi du Portugal comme cadeau au Pape Léon X, fait le voyage par bateau. Ayant fait escale sur l’île d’If, il attire de nombreux visiteurs, dont le roi François Ier.

En effet, le monarque, poussé par la curiosité, découvre ce site stratégique à son retour des guerres d’Italie et de sa victoire de Marignan. C'est d’ailleurs à cette occasion qu'il décide d’y faire construire un fort : le fameux château d’If. Alors inconnu en Europe, le rhinocéros marquera durablement les esprits, notamment grâce à la gravure qu’en fit Dürer.

 

La panthère des Calanques

Une bête dans la garrigue

Partie d’une rumeur, la présence d’une panthère noire dans les Calanques, plus précisément dans le domaine de Luminy, en juin 2004 a ensuite été confirmée par de nombreux témoignages. Les autorités décident alors de fermer le massif et d’organiser des battues pour retrouver le félin, potentiellement échappé d’un cirque. « Elle a fait cinq ou six sauts, très courts, très gracieux, mais suffisants pour distinguer qu'il s'agissait bien d'une panthère noire, pas très grande », avait ainsi rapporté une patrouille de gardes-chasse à l'époque.

Le samedi 5 juin, les témoignages se multipliant, la Mairie de Marseille interdit donc l’accès aux Calanques de Callelongue à Cassis : il en coûtera 35 euros à celui qui braverait cette interdiction. La police et l’ONF poursuivent la traque. Le samedi 12 juin, l’interdiction dure plus d’une semaine, et une battue est organisée à Carpiagne, sans succès. Le mardi 15 juin, la panthère est introuvable, et les Calanques rouvrent.

Mais elles referment le samedi 19 juin, pour bientôt rouvrir, car la panthère était en fait… un gros chat ! Pour être précis, un « chat exceptionnellement gros », note une conseillère municipale de Marseille. Mesurant 60 cm et pesant 8 kg, il n’est plus question de le capturer, mais il aura tenu en haleine pendant presque un mois tout le département des Bouches-du-Rhône…

 

Le roi de Ratonneau

Un soldat devenu fou

Cette histoire authentique commence en 1765, au retour de permission d’un soldat du nom de Jean Gourin, dit « Francœur ». Il est alors en poste au fort de Ratonneau avec sa garnison. D’ordinaire joyeux, le soldat a semble-t-il perdu son appétit de vivre. Quand ses compagnons lui demandent la cause de ce brusque changement d’humeur, il répond, à la surprise de tout le monde : « Ah, si j’étais roi ! ». À force de questions, Gourin finit par avouer que durant ses vacances il est tombé amoureux de la châtelaine de son visage montagnard. On a beau lui montrer l’absurdité d’un tel sentiment, un homme de sa condition ne pouvant espérer épouser une dame d’un tel rang, il n’en démord pas. Sa cervelle commence alors à fomenter en secret un projet…

Quelques jours plus tard, c’est avéré : Jean Gourin est devenu fou : pour preuve, il s’autoproclame roi du Frioul ! Ainsi, comme il se l’imagine, pourra-t-il épouser sa châtelaine… Profitant du départ de la garnison, descendue récupérée l’approvisionnement en nourriture au port, il prend possession des armes du fort, remonte le pont-levis et pointe les canons vers ses compagnons, sur lesquels il tire à leur retour. Les pauvres diables battent en retraite.

Bientôt, Ratonneau s’avère un trop petit royaume pour Francœur. Celui-ci se met alors en tête d’attaquer le château d’If, sur lequel il ouvre le feu. La célèbre forteresse riposte aussitôt. Cela n’empêchera pas Gourin d’attaquer ensuite un navire hollandais qui passait à proximité, et qui fut bien obligé de lui laisser de la nourriture.

Il faudra attendre que Gourin finisse par tomber d’épuisement pour que des soldats puissent entrer dans le fort et le capturer, au terme d’une stratégie de reconquête et de deux nuits d’échange de tirs... Conclusion (prosaïque) de l’histoire : la châtelaine se maria à un gentilhomme et le roi d’un jour finit ses jours à l’Hôpital des Invalides.

On peut trouver le récit détaillé de cet épisode dans l’article Le soldat qui devint roi dans La Gazette des armes, n°6, 1973, ainsi que dans l’ouvrage L’Hermès marseillais ou guide des étrangers à Marseille et dans le département des Bouches-du-Rhône, 1826, p. 182-185.

 

Le Comte de Monte-Cristo

L’évasion d’Edmond Dantès

Si le château d’If est si célèbre de par le monde, c’est grâce à Alexandre Dumas, qui en fit le lieu d’emprisonnement d’un personnage de fiction, Edmond Dantès, alias le Comte de Monte-Cristo. Dans ce roman-feuilleton à succès inspiré d’un fait réel (un homme du nom de Pierre Picaud emprisonné dans une forteresse en Italie) nous sont contées l’évasion et la stratégie que Dantès, innocent du crime qu’on l’accuse, mettra au point pour se venger de ses geôliers. Le héros se serait échappé de sa prison d’If et aurait nagé jusqu’au rivage marseillais, ce que perpétue le Défi de Monte-Cristo.

Le lieu exerce toujours une étrange fascination et conserve une aura de mystère, poussant certains à croire qu’il abrita réellement un authentique Edmond Dantès. François Billou, guide au château, raconte : « Dès 1850, les premiers lecteurs affluent vers le site, comme pour un pèlerinage. Quand je souligne que les premiers aménagements muséographiques avec les cellules de Dantès et de l’abbé Faria relèvent, selon toute vraisemblance, d’une mise en scène imaginée par les militaires au XIXe siècle dans le seul but de satisfaire la curiosité des lecteurs, les visiteurs sont très surpris…Il s’en trouve même qui réfutent cette version, préférant considérer comme réelle l’histoire inventée par Dumas ! »

 

Le destin tragique de Xavier Dechaux

Rage et désespoir dans les Calanques

S’il reste encore beaucoup à découvrir sur la vie de Xavier Dechaux, on sait qu’il naît à Sisteron et que son père est ensuite rapidement muté au poste de douane de la Madrague de Montredon. C’est durant les rondes de celui-ci qu’il découvre probablement les sentiers et les sites emblématiques des Calanques. Il y reviendra une quarantaine d’années plus tard pour y graver son nom dans différents points du massif de Marseilleveyre.

Marié à 25 ans, le jeune tourneur sur bois perd successivement ses sept enfants et sa femme. Se retrouvant seul, il retourne vivre à Sisteron où il commence à graver des poèmes dans les montagnes alentours. Son retour à Marseille en 1865 marque le début d’une errance mystique qui durera quatre ans et durant laquelle il laissera son empreinte via ses gravures dans les Calanques. Il mettra fin à ses jours en 1868 dans une grotte qui porte aujourd’hui son nom…

En savoir plus sur les inscriptions de Xavier Dechaux

 

Et tant d’autres histoires…

Les Calanques ont abrité aussi plusieurs grands personnages : des comtesses, des plongeurs, des artistes… dont les existences sont des histoires à part entière. Il y a aussi l’histoire fascinante des épaves, celle du Grand-Saint-Antoine, qui apporta la peste, et celle de l’avion de Saint-Exupéry, qui s’abîma dans les eaux du Parc national...

 

Bibliographie

BOISSIN Ely, Mystère et histoire des Calanques, 1990

Les Calancœurs, Il était une fois dans les calanques. Les dossiers secrets des Calancœurs, 2014

CHAUMELIN Marius, Promenades artistiques autour de Marseille. Du massif de Saint-Loup aux Calanques, réédition 2006

DEJEAN Anne-Claire, Contes et légendes de Marseille et alentour, 2012

FAVIER Michel, Marseille de la vieille roche, 2015

LYON-LAVAGGI Evelyne, Mazargues. Près des calanques, tome I et tome II, 2011


Source URL: https://www2.calanques-parcnational.fr/contes-legendes