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De l’économie à l’écologie

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Factory at La Madrague de Montredon
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Lead factory at L'Escalette
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Lead factory at L'Escalette in 1950 © collection Raveux et Daumalin
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Rivoire et Carret factory exit at Saint-Marcel
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Slag heaps at Saména © M. Chêne
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Abandoned Cassis stone cubes at Pointe Cacau © F. Gérard
Une vingtaine d’usines étaient implantées sur le territoire du Parc national des Calanques pendant les XIXe et XXe siècles. Elles produisaient majoritairement du plomb, de la soude et du soufre, mais aussi du calcaire et du verre. Elles laissent un héritage ambivalent, entre vestiges architecturaux et résidus pollués.

 

Marseille : une place industrielle et portuaire

Depuis l’Antiquité, Marseille est au centre des échanges commerciaux du bassin méditerranéen. Cette position privilégiée est propice au développement économique de la ville et de son port. Ce complexe industrialo-portuaire traite plusieurs minerais provenant des pourtours de la Méditerranée, et de plus loin encore, grâce notamment à l’ouverture du canal de Suez.

Les savonneries de Marseille sont la première industrie au XVIIe siècle, mais c’est au XIXe siècle que l’industrie marseillaise prend de l’ampleur, devenant un pôle majeur d’emplois et attirant une immigration importante.

Ce considérable développement des usines dans le centre de la cité finit par s’interrompre sous Napoléon Ier. La pollution générée devient si insupportable pour les riverains qu’un décret impérial est signé le 15 octobre 1810, puis qu’en 1825 un Conseil de Salubrité est créé à Marseille, pour reléguer les activités industrielles dans les marges urbaines…

 

Des usines au cœur d’un espace naturel

Les industries doivent se déplacer, mais où ? Il faut éloigner la pollution de la ville tout en restant proche de la mer pour faciliter le transport des matériaux. Le littoral sud de la cité phocéenne présente alors toutes les caractéristiques requises, d’autant que cette bande côtière peu habitée est battue par le mistral qui emporte l’air pollué vers le large.

Une première usine s'installe donc dans la calanque de Saména en 1810 : elle fabrique de la soude pour l'industrie du savon à partir de la roche calcaire du mont Rose. Et ce n’est que le début ! Le territoire des Calanques, et notamment ce littoral entre Montredon et Callelongue, devient très vite un site privilégié pour l’industrie chimique et métallurgique : on y fabrique du plomb, de la soude, du soufre, de l’acide tartrique, de l’acide sulfurique, de l’argent, du verre… et on purifie même du pétrole au col de Sormiou !

 

 

Plus loin, à la Barasse, on extrait de la bauxite, tandis que les berges de l’Huveaune voient l’arrivée d’une industrie dense et diversifiée. On construit un haut-fourneau sur la plage du Bestouan à Cassis, pendant que se développe, en face du Mugel, l’énorme chantier naval de La Ciotat. Et c’est sans compter les carrières (voir encadré plus bas) qui pullulent dans la région… On trouve même des sablières à Riou et dans les calanques de Marseilleveyre et de Sormiou ! Résultat de cette croissance économique, le nombre d’ouvriers passera dans la cité phocéenne de 10 000 en 1834 à 40 000 en 1880.

 

De la révolution industrielle…

La modernité est en marche, et le littoral sud des Calanques voit l’apparition de rails, rampes d’accès, téléphériques, tunnels, wagons, attelages et machines à vapeur ! Des quais sont aménagés, comme à l’Escalette, pour accueillir les caboteurs qui amènent les minerais depuis le port de Marseille : en effet, l’étroitesse des criques et leur faible tirant d’eau empêchent les gros tonnages d’aborder. Après traitement des matières premières par les usines, ces petits bateaux ramènent à la Joliette les produits finis, qui partent aux quatre coins du monde...

 

 

… à la révolution écologique

Mais l'arrivée des usines provoque la réduction et l’appauvrissement des espaces naturels. Par exemple, le sable fin qui était autrefois présent sur le littoral, notamment dans les criques de Montredon, fut utilisé pour la fabrication du verre. Avec sa disparition, c’est tout un univers de plantes et d'animaux qui s'est éteint.

L’homme aussi subit l’impact de cette activité. Des cheminées rampantes sont d’ailleurs installées sur les collines à la demande des pouvoirs publics afin d’éloigner les fumées toxiques des usines lorsque le mistral ne souffle pas. En effet, de nombreuses plaintes et pétitions sont déposées par les paysans locaux qui s’inquiètent de voir péricliter leur santé, leurs pâturages et leurs champs.

Par le jeu de la concurrence internationale, des évolutions techniques et des fluctuations de l’économie, la plupart des industries marseillaises déclinent au XXe siècle. En outre, un changement fondamental s’opère dans les consciences des citoyens : les Calanques n’apparaissent plus comme un territoire hostile mais comme un espace de liberté où il fait bon se ressourcer en pleine nature.

Les habitants se mobilisent pour réclamer la fermeture des usines, dont certaines se déplacent vers l’étang de Berre et Fos-sur-Mer, qui constituent aujourd’hui la plus grande zone industrielle de France.

 

L’empreinte industrielle dans les Calanques

En parcourant les Calanques aujourd’hui, on peut observer plusieurs traces de ce passé, dont l’histoire se poursuit autrement : comme aux Goudes ou à Callelongue où les bâtiments industriels ont été reconvertis en habitations, à l’Escalette devenue une galerie d’art à ciel ouvert, ou à la Madrague de Montredon où l’usine Legré-Mante est au cœur d’un complexe projet de réaménagement…

Les problèmes de pollution et la question de son impact sur l’homme perdurent, car si le littoral sud de Marseille affiche une densité de population très basse pour une ville, il reste le secteur le plus habité du Parc national des Calanques, et l’un des plus fréquentés par les vacanciers.

Bâtiments en friche, cheminées rampantes (encore très visibles notamment au-dessus de la Madrague de Montredon et de l’Escalette), scories déposées dans des crassiers, déséquilibres écologiques : autant de vestiges hérités d’une époque révolue où la Nature tenait une place secondaire, et paraissait si immense qu’on la croyait capable d’encaisser toutes les agressions.

 

Gérer la pollution des sites

L’ADEME pilote aujourd’hui un ambitieux programme de résorption des scories présentes sur tout le littoral sud : il s’agit de les extraire du milieu naturel lorsque c’est possible (dépôts amiantés aux Goudes par exemple), voire de les contenir et de faire en sorte qu’elles ne contaminent plus les habitats naturels environnants, comme ponctuellement en soutènement de la route littorale.

Le Parc national apporte son expertise scientifique dans cette opération pour empêcher ou limiter au maximum les atteintes au milieu naturel dans le choix des solutions techniques proposées et dans la future mise en œuvre des travaux. L’astragale de Marseille, replantée par le Parc national, ainsi que la coronille à tiges de joncs, sont par ailleurs utilisées pour fixer et retenir les polluants.

 

« Dès le début du XXe siècle, les habitants se mobilisent contre la présence des usines. La première grande manifestation de masse a lieu en 1910, à côté de la carrière de Port-Miou, pour protester contre la destruction des beautés naturelles du site. »

Xavier Daumalin, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université d’Aix-Marseille

Des carrières dans les Calanques

L’une des industries les plus florissantes qui s’est développée dans les Calanques et dans toutes les collines alentour concerne l’extraction du calcaire, ressource naturelle qui se trouve à profusion en Provence.

Le calcaire présent à Marseille est de type urgonien, ce qui en fait une roche très claire, compacte, dure et « coquillée » (c’est-à-dire riche en fossiles). Elle a donné la fameuse « pierre de Cassis ». Celle-ci n’est plus exploitée de nos jours, mais qui a servi notamment à faire des éviers (la « pile » provençale), des trottoirs, des pavements et des édifices de la région, ainsi que, grâce à l’exportation permise par le port de Marseille, des quais à Toulon, Alexandrie et au canal de Suez ! Mais les conditions de vie dans ces carrières sont extrêmement pénibles pour les centaines d’ouvriers qui y travaillent…

Ces carrières, exploitées depuis l’Antiquité, étaient surtout situées sur la presqu’île de Port-Miou et la pointe Cacau (équipée des fameuses trémies), mais s’étendaient aussi jusqu’à Carnoux… et il y en avait même sur les îles du Frioul ! Encore bien visibles aujourd’hui par les formes de découpes qu’elles ont laissées, elles produisaient de la pierre de taille ainsi que du calcaire broyé pour la fabrication des sols, de chaux... et de dentifrice !

Au Frioul, le terrain dégagé a permis l’installation d’un lazaret, et la falaise créée a rendu inaccessibles les forts situés au sommet. La dernière carrière en bord de mer, fermée au début des années 2000, était située au Bestouan à Cassis. Au sein du massif de Saint-Cyr, la carrière Perasso de Saint-Tronc est la dernière carrière en fonctionnement située à proximité du cœur du Parc national des Calanques.


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