Émerveillée par la nature qui l’entoure, Lucie prend très à cœur sa mission d’écogarde. Elle nous partage sa passion, ses connaissances et surtout, son idéal d’une société harmonieuse, reconnectée au monde vivant.
Portrait par Éric Lenglemetz, recueil du témoignage par Noëlie Pansiot.
Un territoire qu’il faut apprendre à partager
Le Parc national des calanques, ce n'est pas juste un lieu géré administrativement, il est habité et c'est un territoire qu'on se partage. Il y a des randonneurs, des plongeurs, des grimpeurs, des personnes qui viennent juste s’assoir et dessiner, d’autres qui viennent depuis 50 ans, bien avant la création du parc. Et ce sont tous ces usagers avec leurs différentes visions et pratiques qui vont œuvrer ensemble à protéger cet espace.
Moi, je suis écogarde au Parc national des Calanques, je fais de la sensibilisation à l'environnement. Dans le livre de Baptiste Morisot, Manière d'être vivant, il parle de la notion de diplomate. Et je trouve que c'est un peu mon rôle.
L'idée, c'est que tout le monde puisse s'en sortir avec le maximum de points positifs : les espèces sont dérangées le moins possible et le visiteur apprécie le moment et comprend mieux le vivant qui l’entoure, ce qui va lui donner envie de le protéger.
J’explique aussi quelles sont les réglementations. En effet c'est nécessaire d'apprendre, tout comme on apprendrait à enlever ses chaussures quand on va chez quelqu'un, comment se comporter dans un lieu comme celui-ci, avec plein d'autres vivants que nous.
L’humain, un être vivant parmi d’autres
Je suis au Parc national depuis 2019. Il y a un besoin de sensibiliser, ça c'est sûr. En même temps, j'ai l'impression que chez la grande majorité des visiteurs, il y a déjà un terreau, il suffit juste de planter la petite graine.
Je suis fascinée par tout ce que je peux apprendre et tout ce que je vois, notamment le vivant et toutes ses interactions. J’ai un petit faible pour les oiseaux, en particulier les martinets. Je les trouve incroyables. Le martinet noir, par exemple, est un oiseau qu'on peut voir dans le Parc national, mais aussi en pleine ville. Il est capable de rester dix mois sans se poser, il se repose dans les courants.
J’ai une profonde envie de partager ce genre de connaissances avec le public du Parc. D’ailleurs, je pense qu’il faut d’abord s’apprécier entre-nous si on veut protéger la biodiversité. Finalement, en protégeant la nature, on se protège un peu nous-même, et ça, il faut l’intégrer.
Aujourd’hui, on assiste à une érosion du vivant, or, nous faisons partie du vivant. Il est important de retisser un lien avec l’ensemble des espèces, sans s’exclure du lot et sans faire preuve d’individualisme. Après tout, si nous en sommes arrivés là dans l’évolution c’est que nous sommes une espèce intelligente, on peut alors faire le choix de vivre harmonieusement tous ensemble.
Réapprendre à vivre avec le vivant, même en dehors des espaces dits de nature
Le Parc national abrite énormément d'espèces, et certaines d’entre elles se trouvent aussi en ville. Et ce que j'aimerais vraiment, c'est sensibiliser les visiteurs, mais pas uniquement au sein du Parc national, j'aimerais que ça aille au-delà.
Une fois, dans le Parc, j'ai vu un faucon crécerelle et je l’ai montré à des visiteurs. Ils étaient subjugués et trouvaient ça incroyable, alors que j'en ai déjà vu plusieurs fois au Cours Julien, en plein centre-ville, et ils ne me croyaient pas.
Quand on vient dans un milieu « naturel », on va forcément se dire que c'est un lieu propice pour observer des animaux, alors qu'en fait, en ville, on en voit plein aussi, c'est juste qu’on ne prend pas le temps.
Beaucoup de personnes éprouvent le besoin d’aller dans un espace naturel pour souffler et échapper à la ville. C’est fou de se dire qu’on se sent si mal dans les villes qu’on a construit. Dans les Calanques, certains viennent apprécier la vue, la végétation ou encore les oiseaux. Mais en fait, ce sont des choses que l’on pourrait parfaitement intégrer en ville, si on s’en donne les moyens.
Dans tous les cas, on ne peut pas mettre la nature et le vivant sous cloche et les cantonner uniquement à des espaces protégés. Par exemple, dans le Parc, il y a une station d’épuration. Les gens s’offusquent que les eaux usées, après traitement bien sûr, soient déversées dans le parc national, au niveau de la calanque de Cortiou. Mais de toute façon, même si on déplace le rejet en dehors du parc, les eaux et les produits qu’elles contiennent finiront toujours dans la même mer. Cet exemple permet d'expliquer que le territoire ne peut pas être mis sous cloche. Même si demain on décide de fermer le Parc national au public, ça ne va pas sauver la biodiversité, le problème est bien plus global.