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Cabanonier très investi dans la vie locale, Guy Barotto nous plonge dans l’ambiance conviviale de Callelongue, on l’on vit, au bout de Marseille, en terre et mer. Il nous raconte comment, passées les premières réticences, la collaboration avec le Parc a contribué à préserver les ressources marines et le patrimoine architectural des Calanques.

Portrait par Éric Lenglemetz, recueil du témoignage par Noëlie Pansiot.

Une vie au bout du monde, en connexion avec la mer

Je viens de faire 25, euh 65 ans. Je suis président du Comité d'Intérêt de Quartier de Callelongue. Alors, un comité de quartier, c'est une association d’habitants qui œuvrent pour l'intérêt général de leur quartier et du territoire au niveau voirie, nettoiement, sécurité, propreté...

Moi ça fait bientôt 50 ans que j’ai le cabanon mais j'ai des copains qui sont là depuis presque la création, lorsque l'usine de reconditionnement a fermé ses portes et que les locaux ont été loués ou vendus. Ça a servi de cabanes de pêcheurs d'abord, parce qu'à l'époque, les pêcheurs allaient en mer soit à la voile soit à la rame et lorsqu'il y avait le mauvais temps, ils s'arrêtaient ici et ils dormaient dans leur cabanon en attendant que le vent tombe. Après, petit à petit, la famille est arrivée et les calanques se sont peuplées de cette façon-là.

Nous sommes tous étroitement liés à la mer. On a tous un petit bateau, on va à la pêche. Et on regarde toujours ce que l'autre a pris comme poisson. Lorsqu'on prend le gros poisson, on le met au-dessus des petits pour faire croire qu'il y a que des gros, par exemple. Et puis, surtout, quand on fait une belle pêche, on ne la montre pas, on la cache. Et on se fait un petit peu languir en disant : "Allez, qu'est-ce que tu as pris ? Boh rien ou pas grand-chose." Et hop, on montre la pêche. C'est vraiment un jeu.

Pour pêcher, je pars le matin, je dois être au lever du soleil, c'est le moment où on prend les poissons. Donc je vois toujours ce lever de soleil sur Cassis, et bah je ne m'en lasse jamais. Et quand je reviens, je ne navigue pas comme les fous furieux, non, je profite. Je vais très doucement et je regarde toute la côte que je connais depuis 65 ans, je suis toujours émerveillé par la beauté du site.

La création du Parc national

Quand le Parc national est arrivé, en 2012, beaucoup ont pensé perdre cette liberté : ne plus pouvoir aller à la pêche, ou ramasser le romarin de la colline pour faire la grillade, plus pouvoir promener le chien. Alors effectivement, quand on prend la réglementation du Parc, il y a des contraintes, mais moi je le vois bien, elles sont appliquées différemment aux gens qui habitent la calanque, par rapport aux autres.

Celui qui va arriver avec trois rottweilers et qui va les lâcher, s’il tombe sur un garde, au minima, il va avoir des réflexions. Si c'est Guy qui promène son vieux cocker, on ne va pas l’embêter.

La pêche, ça a été un peu plus difficile parce que le Parc a créé des zones de non-prélèvement. Au départ, tout le monde a dit : « Oh là là, après ils vont prendre tout le cœur maritime, on ne pourra plus pêcher. » Ce qui était faux. Moi, maintenant, les copains me disent « pétard, y a du poisson qui revient ». Mais oui, il y a du poisson qui revient, mais bien sûr, c'est l'effet réserve !

Donc la réglementation, je pense qu'elle s'imposait pour prévenir des prédateurs qui auraient tout dévalisé quoi. Ce n’est pas nous en prenant notre kilo de soupe qui allons vider la mer de ses poissons, parce que nous le poisson, on le prend, on le pêche et on le mange, on ne fait pas de commerce avec ça.

On a eu peur au départ, parce que quand le Parc a été créé, ils avaient envisagé de nous contingenter à deux kilos de poissons par pêcheur. Là, alors, bien sûr, c'était un tollé. Et puis on est arrivé à 7 kilos par pêcheur. Honnêtement, le jour où je prendrais sept kilos, je t'appelle, tu me prends la photo et puis je passe dans le journal de 20 heures quoi. 

Et puis également, un truc que je tiens à dire, c'est que les pêcheurs eux-mêmes ont changé avec le Parc. Moi, à 18 ans, j'allais à la pêche, je fumais, buvais ma bière, je jetais tout à la mer. J'ai pas honte de le dire, tout le monde le faisait. Maintenant, on a tous notre petit sac poubelle et quand on arrive, on le jette sur le quai. Tous !

À la reconquête du sémaphore de Callelongue

Ah c'est quoi un sémaphore ? Alors c'est d'abord un site militaire qui a servi, je crois, à partir de Napoléon Iᵉʳ. Il y en avait tout le long de la côte et ils permettaient de communiquer, notamment en cas d'attaque maritime. Il était doté d'un système de communication visuelle à longue distance : le système Chappe.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, les Français puis les Allemands l'ont occupé. Après la Libération, il a été occupé par des gens comme moi, les cabanoniers ; le dernier, c'était un gars qui s'appelait Patrick, après lui, il n’y a plus eu personne.

D'abord, il s'est dégradé par la nature, puis des gens qui montaient ont commencé à casser. En 2013, il était dans un état dangereux donc on a décidé, nous le CIQ, de demander à ce qu'on le réhabilite.

Ça a été un peu compliqué parce que c'est une bâtisse qui appartient au ministère de la Défense et le terrain appartient au conseil départemental ; le Parc ne gère que l'espace.

Mais un jour on a réussi à faire venir madame Ségolène Royal ici, on lui en a parlé, on lui a montré, on lui a dit « c'est hyper dangereux Madame la Ministre ». Et en trois ans, le Parc a pu le récupérer et a pu le réhabiliter comme il est actuellement. Là on a joué un joli coup.

Ce qui manque maintenant, c'est de l'humain, des gardiens à poste. C'est nécessaire pour la bâtisse, pour renseigner les randonneurs, et pour le côté sécuritaire par rapport aux incendies. On a une vue de 360 degrés du Parc : c'est-à-dire qu’on voit entre Martigues et Cassis, donc la moindre colonne de fumée, elle se voit. C'est pour ça qu'il faut de l'humain.


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